Le prince et le loup

Les femmes. Elles vous réservent leur plus beau sourire pour mieux vous avoir. Un vil piège s'était refermé sur moi. La veille, j'avais fait la rencontre de Rosana, une femme qui devait bien être de dix ans mon aînée, mais qui semblait avoir été épargnée par le poids de l'âge. Elle avait sans-doute remarqué mes ornements princiers et m'avait pris pour un gosse de riche naïf. Si mon regard n'avait pas sombré dans son impressionnant décolleté, peut-être que la situation aurait été différente. Une bouteille de vin en main, elle m'avait proposé un verre. Selon ses dires, elle voulait passer un peu de bon temps en compagnie avec un beau jeune homme. A ce moment-là, pour mon plus grand malheur, ce n'était pas mon cerveau qui avait réfléchi, mais plutôt une partie plus intime qui se situait un peu plus bas et qui prit la décision d'accepter sur-le-champ la proposition. Les verres s'enchaînèrent, le temps défila, la vue se fit de plus en plus trouble, mes défenses laissèrent le champ libre à l'ennemi.

Trou noir. Mes yeux s'ouvrirent avec difficulté et rencontrèrent le soleil. L'astre m'arracha un cri de douleur. Tant de clarté dès le réveil... Je ne voyais rien. Mes jambes tentèrent de se lever, mais m'abandonnèrent l'instant d'après. A genoux, quelque chose paraissait remonter à l'intérieur de ma gorge. Oh... Tout, mais je ne voulais pas... Impossible de le retenir... Je vomis sur les pavés, les mains noués au niveau de l'estomac. Ce n'était décidément pas digne d'un prince. Mon frère aurait été certainement indigné de me voir ainsi, un déchet qui avait passé une nuit trop alcoolisée. Après avoir fini de dégobiller, je pus enfin examiner les alentours. A ce que je voyais, je me trouvais dans un quartier malfamé. Des loubards, au regard mauvais, traînaient dans le coin et avaient remarqué mon réveil, mais ils ne vinrent pas à ma rencontre. Au moins, je n'avais rien à craindre, mais jusqu'à quand ?

Palpant l'ensemble de mon corps, je me rendis compte que l'on m'avait dépouillé de mes bijoux et de mon argent. Cette salo... Elle m'avait dépouillé. Et dire que je me vantais de mon charme ravageur au palais de Floren. Je faisais pâle figure comparé à Rosana. Prenant appui sur le mur contre lequel on m'avait laissé, je parvins à me tenir debout sans flancher.

Toi, là ! Le bronzé ! T'fous quoi sur notre territoire ? D'où tu t'permets de vomir là ?

Un mec à l'air pas commode, crête sur la tête et tatoué de la tête aux pieds, avançait dans ma direction. Une barre de fer dans la main, il ne comptait pas me laisser le temps de quitter les lieux. Dans son dos, deux de ses potes l'accompagnaient et comptaient participer à la dérouillée. Le fait que je sois ici ne les dérangeait pas le moins du monde à mon avis. Ils voulaient juste me cogner sans être dérangé par des regards indiscrets. J'éclatai de rire à cette idée. Ils avaient vraiment choisi la mauvaise personne. Reprenant mon sérieux en un instant, je manquai de trébucher avant de prendre mon élan afin de me jeter sur les mains au milieu de mes adversaires. Ces derniers ne comprirent pas immédiatement que leur proie était passé à l'attaque. Tournoyant avec rapidité à l'aide de mes mains, mes jambes se chargèrent de balayer mes agresseurs.

Vous faites moins les malins maintenant ?

Les trois gus étaient en train de gémir et n'étaient plus en état de se battre. Tant mieux, je n'en revenais pas d'avoir réussi à exécuter Oyasumi sans me casser la figure. Pour autant, il fallait que je me hâte de quitter les lieux si je ne voulais pas rencontrer d'autres timbrés. Finalement, le bar où Rosana m'avait vu se trouvait à au moins vingt minutes du lieu où je m'étais réveillé. Cependant, la belle n'était pas là, rien d'étonnant et le barman n'avait rien à dire à son sujet. Cette dame n'allait pas m'échapper. S'il fallait remuer terre et ciel, je le ferais. A nouveau dans la rue, au milieu des passants, j'observais avec attention chaque visage afin de retrouver la demoiselle, quand tout à coup, un inconnu arriva à mes pieds. Un chauve apparut et excusa son camarade.

Vous n'auriez pas vu une belle blonde, dans la trentaine... Elle a un cœur tatoué sous un œil.

Avec un peu de chance, ils pourraient savoir quelque chose.