Ce sordide voyage avait malmené mon frêle estomac, déjà que j’avais dû avaler cette maudite tambouille réalisée par un cuistot des plus débrayés, celle-ci gisait désormais sur le sol tel le plus appétissant des repas pour les mouettes trônant au-dessus de nos têtes. Je m’étais embarquée dans ce voyage car, depuis que j’avais quitté les miens, j’étais inlassablement en quête d’informations sur mon frère Sven. Un vieux loup de mer m’a dit avoir entendu parler de lui et qu’il aurait été transféré vers une île répondant au nom de Mutaïto Island. Je n’y croyais point, néanmoins comme l’espoir fait vivre et que le vent ne désirait point me faire choir vers une autre destination, je décidai tout de même de tenter ma chance vers ce lieu où le petit peuple vit de basses besognes à la recherche d’un quelconque mot à me mettre sous la dent. Mon gosier avait pris cher entre l’eau guère translucide mais verdâtre que j’avais avalé et ce fameux ragoût putride…Je tenais à peine sur mes jambes lorsque nous accostâmes, tant bien que mal. Le capitaine de ce rafiot qui prenait l’eau avait accepté ma présence car, contre toute attente, d’où il venait, une femme était synonyme d’une traversée réussie. Nous avions manqué d’heurter des rochers par trois fois et de nous emplâtrer contre un monstre des mers ô combien adorable. Ils émirent l’hypothèse de le manger, je les inondai de mon regard le plus noir afin qu’ils changent d’avis. Cette créature bénie des dieux aux écailles pustuleuses et à l’haleine de chacal devait continuer à voguer au gré des courants, majestueusement (bien que l’on aurait dit un chat en train de vouloir sortir la tête de l’eau).

J’étais arrivée saine et sauve bien que j’ai cru à plusieurs reprises finir à jamais au fond des eaux de par la maladresse de ces abrutis. Je cassais beaucoup de choses mais leur assurance ne rimait point avec leur habilité. Ils étaient quatre pequenauds à croire à la bonne fortune et à une vie de piraterie aisée. Ils seraient les prochains prisonniers de quelques marines un peu plus engaillardis qu’eux…triste sort bien mérité pour de pauvres badauds. Je levai les yeux vers cette île qui s’annonçait de toute beauté, de par la nature que j’apercevais. L’horizon s’étendait devant moi à perte de vue tandis que se dessinait une ville répondant au nom d’Urunaï. Je me trouvai au nord est de l’île et mes recherches allaient débuter en ce sens. Je débarquai, sans un signe de compassion pour mes faux camarades jaunis par le soleil, je m’aventurai à l’intérieur de la cité. Je dévisageai les lieux, cherchant un quelconque signe qui ferait ma chance. Je dus déplorer le manque de loquacité ambiante et gratifiai même un passant d’un rictus diabolique lorsqu’il décréta que je ferais mieux de m’occuper de mes oignons. J’approchai d’une grande place d’où l’on apercevait un bon morceau de la ville mais rien ne semblait correspondre à mes attentes. Peut-être qu’avec un temps de réflexion et de pause, que je m’offrais avec un met local à emporter dans les mains, je réussirais à y voir plus clair. Je jetai les trois quarts de ce que je venais d’avaler et m’extasiai devant une petite canaille poussant le long du parvis, mauvaise herbe environnante piétinée par la populace. Un périmètre de sécurité venait de naître, façonné avec trois bouts de bois trouvé sur le sol.