Bon. Deux bonnes années que j'ai ce fruit d'feu, j'maîtrise pas mal le truc maintenant. Du coup, le temps que j'ai passé à m'entraîner là-dessus, c'est du temps où j'ai perdu de mes capacités en terme de tir. On me dira "c'est comme le vélo, ça s'oublie pas", je répondrais "Bullshit". Tu tires pas un minimum histoire de garder de ton acuité, de ta précision et de ta rapidité, bah tu regresses. J'aurais certainement l'occasion d'y remédier par la suite, mais pour le moment peu importe, j'peux faire des putains d'boules de feu, alors c'est pas le fait d'avoir un peu perdu la main question revolver qui va me gâcher ma journée.

Par contre, c'qui pourrait arriver à le faire si ça continue, c'est la soif. Il fait chaud, très chaud, tellement que j'ai enlevé mon cache-poussière. Et passer la journée à patrouiller dans Loguetown par ce temps, j'peux te dire que ça devient plus qu'usant à la longue. Là, journée terminée, nuit tombée, et surtout, ronde finie. J'vais pouvoir me beurrer la tronche. Boire jusqu'à en oublier la chaleur, boire jusqu'à en oublier les cons qui confondent marine et agent de tourisme, boire jusqu'à oublier cet abruti de pirate qui a tenté de me foutre en rogne, et qui a réussi. à l'heure où j'en parle, il est prit en charge par une équipe spécialisée dans le bloc de soin intensif, brûlé sur la totalité de son corps. Quand tu cherches, tu trouves mon pote. C'était un jeunot, tête de naïf, se prend pour le maître du monde parce qu'il a couché deux trois soldats de seconde zone. Du genre à croire qu'il peut chercher la merde dans une ville aussi grande que Loguetown impunément. Du genre à croire qu'il peut ME chercher la merde impunément.

Du genre de ceux que j'aime appeller les têtes de gland.

Et donc, je repense à cet épisode quand je passe la porte du bar. Et là, surprise : Des corps au sol, présentants de nombreuses cotusions, bleus, entailles et autres blessures, un barman en pas bien meilleur état, et un péon, seul au milieu de ce bordel, en train de siroter son thé, dans le plus grand des calmes. Heu... On est où, là, hein ? Le type défonce tout le monde dans un bar (parce que c'est lui, allez pas me dire que le type est pas coupable sinon je crois que je vais m'énerver), puis au lieu de, JE SAIS PAS MOI, SE BARRER PAR EXEMPLE, il reste là, et fini sa boisson. Normal. Tout le monde fait ça, après tout. Bah écoute mon pote, c'est bien beau tout ça, mais c'est pas très malin de ta part. Je le regarde, mains sur la ceinture, cloué à l'entrée du bar pendant un temps. Là, j'avance, le contourne lentement tout en fixant mon regard dans sa nuque, mon regard inquisiteur, lourd, menaçant. Là, j'en joue des tonnes sur le côté Cowboy pas content, et pour cause : Je suis pas content. Non pas parce qu'il a foutu KO la moitié du bar, non ça très franchement, je m'en branle, limite. 'Fin, p'tet pas, disons qu'il ne s'agit pas que de ça. Non non non, le problème est ailleurs. Le problème est bien plus profond que ça...

Mec, tu sais que j'avais l'intention de boire ici ?

J'avance, me pose en face de lui, de l'autre côté du comptoir. Tout en me servant un verre, lui tournant le dos sans crainte pendant la manœuvre, je regarde le barman. Une tête de con. Il faisait d'la bonne bière, mais le type en lui même était imbuvable. Ironique vu son métier, hein ? J'pose mon verre, fixe le jeunot dans les yeux, boit cul sec.

Donc merci pour le verre.

Peau pâle, yeux rouges, ni trop maigre, ni trop gros, sappé bien comme il faut. J'crache un molard aux pieds du gosse, puis le fixe plus durement, des rides de colère venant s'installer sur mon visage.

Ceci étant dit... Tu sais aussi que je vais pas pouvoir laisser passer ça, hum ?

En même temps que je dis ça, je l'invite à regarder mon étoile de plus prés d'un geste du pouce. Je portais pas l'uniforme, mais j'avais une belle étoile écrit en gros "MARINE" dessus, donc ça allait. Le doigt qui vient de tapoter sur l'insigne descend pour venir se poser sur la crosse de mon revolver. Sans pour autant le dégainer, je me tiens prêt.

Y a deux solutions p'tit gars : Soit tu me suis gentiment à la base de la marine du coin, et on règle les choses façon administrative, paperasse et tout le bordel. ça, c'est le happy end. Soit tu joues au con, tu tentes de faire le Tony Montana, et tu me force à dégainer Berta. Tu veux pas me forcer à dégainer Berta, n'est-ce pas ?

Crois-moi, tu veux pas.

Les îles mouvementées et fort fréquentées comme Loguetown plaisaient particulièrement au révolutionnaire. La foule laissait toujours entrevoir la possibilité de peut-être enfin se trouver un mari. Plus encore, le nombre de personnes qui parcouraient les rues rendaient la récolte de fond pour son voyage encore plus facile. Il lui suffisait de jouer une heure par-ci, une heure par-là et il voyait ses bourses fleurir à nouveau. Ce fut le cas ce jour-là. Il pouvait sentir la tension dans ses mains. Bien qu’il appréciait énormément le fait de pouvoir jouer du shamisen devant un public, performer toute la journée le fatiguait. Il décida donc de se relaxer dans un petit bar qu’il trouva en tournant dans l’une des innombrables ruelles de l’immense ville. L’ambiance semblait un peu plate et le gérant n’avait pas l’air commode. Néanmoins Sakura ne désirait pas se rendre autre part. Il ne pouvait plus arpenter plus longuement les rues sous peine d’en tomber d’épuisement. Enfin si on le lui demandait ce serait probablement ce qu’il rétorquerait. En réalité il aimait se faire voir plus fragile qu’il l’était. Cela faisait partie de son charme. Il s’agissait aussi d’un bon moyen de ne pas trop se dévoiler.

Ainsi dans le bar il dut faire face à la mauvaise humeur du barman qui ne voyait pas d’un très bon œil les étrangers. L’okama simula le fait d’être offusqué puis tendrement se rapprocha de l’homme pour faire jouer ses « charmes féminins ». Cela ne fonctionna pas très bien, peut-être en partie parce que le barman ne savait pas si la personne en face de lui était en réalité un homme ou une femme. Quoi qu’il en soit la geisha n’abandonna pas et lui fit miroiter quelques berry pour lui prouver qu’il n’était pas sans le sous et qu’en prime, s’il le désirait il jouerait gratuitement dans son bar pour égayer l’ambiance un peu fade de l’établissement. Le gérant se fit plus méfiant, mais cela ne dura qu’une seconde. Il regarda derrière Sakura et dut constater que l’ambiance était effectivement peu vivante. Il soupira et finit par accepter. Léon lui sourit et lui commanda du thé, de préférence une théière entière puisqu’il comptait rester un moment. Bien installé dans un coin reculé, il se mit alors à jouer des musiques tantôt douce et chaleureuse, tantôt vive et entrainante. Le pari était gagné, le barman ne regretta pas sa décision et les clients se sentaient plus à l’aise.

Un peu plus tard un homme à l’allure gracieuse. Il avait un regard de braise, mais une peau glacée. Les couleurs sombres de ses habits ainsi que de sa chevelure faisaient ressortir l’aura mystérieuse du personnage. Il alla s’asseoir à une table et attendit patiemment que le barman vienne prendre sa commande. Malheureusement ce dernier ne faisait toujours pas confiance aux étrangers et l’avenir proche allait lui donner raison. Le pirate qui venait d’entrer se leva au bout d’une demi-heure pour aller réclamer sa boisson. Le gérant lui répondit froidement et le renvoya ce qui, apparemment, ne plus guère au jeune homme qui en réponse l’envoya valser dans les étagères. A cette réaction violente, les autres clients se levèrent et encerclèrent le pirate. Inspiré par la scène, Sakura se mit à jouer un plus féroce et suffocant. En l’instant de quelques minutes, il n’y avait plus rien à faire. L’homme se battit aussi élégamment qu’il était vêtu et sans réelle difficulté qui plus est. Les hommes à terre, il s’empara de son verre de thé et le dégusta d’un air apaisé.

Ce fut le moment où le second loubard entra en jeu. Un homme plus débraillé que le premier, un air agacé sur le visage, Sakura n’aimait pas du tout la direction que tout cela prenait. Quelques échanges furtifs se firent entendre, la scène était digne d’un mauvais vaudeville. L’okama se leva et se dirigea alors vers le bar silencieusement, sa théière en main. De toute évidence le barman n’était pas en mesure de le resservir et les deux hommes semblaient prêts à partir dans un combat violent. Le révolutionnaire ne désirait que boire du thé. Alors que le second arrivant finit sa tirade enjoignant le pirate à le suivre, le bruit de l’eau déversée dans la théière envahit l’entièreté de l’établissement comme l’aurait fait le vacarme d’un estomac réclamant pitance. Comprenant qu’il s’est probablement fait remarquer, Léon se releva gracieusement, se servit une tasse de thé puis sourit aux deux hommes.

Sakura : « Mes amis, si vous comptez vous battre, peut-être puis-je vous motiver avec une musique entrainante ? »